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"Le développement du foetus, c'est un vrai miracle"

10.05.2017

La Dresse Romina Capoccia Brugger est sous-spécialisée en médecine foetomaternelle, dont fait partie l’imagerie prénatale. Elle souligne l’importance d’encadrer les parents lors de la découverte par échographie de malformations graves et met en garde contre les excès de l’imagerie «de divertissement»

Depuis les années 1980, le métier d’obstétricien a changé en profondeur. Longtemps réduits à palper le ventre des futures mères, les médecins spécialisés ont maintenant accès à différents outils comme l’échographie prénatale pour suivre le déroulement de la grossesse, avec des images de plus en plus précises. La technologie permet non seulement de repérer des malformations longtemps invisibles et préparer les parents à des situations difficiles, mais aussi d’intervenir chirurgicalement sur le foetus ou le placenta durant la grossesse. Sous-spécialisée en médecine foeto-maternelle après une formation en gynécologie-obstétrique, la Dresse Romina Capoccia Brugger détaille cette évolution. Entretien:

HNEmag: Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser en médecine foeto-maternelle, dont fait partie l’imagerie prénatale?

Romina Capoccia Brugger: Je me suis d’abord spécialisée en gynéco-obstétrique. C’est une branche extrêmement variée qui permet de suivre les femmes tout au long de leur vie. Elle comprend des gestes opératoires, les suivis de grossesse, de l’imagerie et de l’endocrinologie. Cette spécialité est très enrichissante au niveau médical, technique, mais aussi sur le plan humain. J’ai ensuite été séduite par la médecine foetomaternelle, dont fait partie l’imagerie prénatale. C’est une sous-spécialité très technique qui demande de se mettre constamment à jour. Malgré les années qui passent, je trouve mon métier toujours aussi varié et passionnant. Le développement du foetus, c’est un vrai miracle. Cela m’émerveille toujours autant. Bien sûr, il y a parfois des accidents. Mais il faut le souligner: la grande majorité des grossesses se passent sans problème majeur.

Quelle est l’importance de l’expérience dans votre activité quotidienne?

Dans toute les disciplines médicales techniques, le constat est le même: plus on a d’expérience, plus on est compétent. En matière d’échographie, la courbe d’apprentissage est longue. Il faut bien sûr apprendre à observer les choses pour poser des diagnostics, mais surtout apprendre ce que l’on doit chercher dans quelle situation et pourquoi, ainsi que les prises en charge pré- et postnatales. Cela évolue constamment, c’est pourquoi la formation ne s’arrête jamais.

L’imagerie en 3D s’est démocratisée. Est-ce un vrai plus sur le plan médical ?

Elle est utile pour le diagnostic de certaines malformations, par exemple du rachis ou de la face. Mais la 3D n’apporte rien pour les échographies de dépistage, où on en reste à la 2D. Les images sont aujourd’hui excellentes. Il y a eu un important saut qualitatif il y a une quinzaine d’années. Cela facilite grandement notre travail.

 

« Il n’y a malheureusement pas de bonne façon d’annoncer une mauvaise nouvelle. Pour les parents, c’est toujours un cataclysme »

 

Le développement de l’échographie «de divertissement» constitue-t-elle un risque pour le foetus?

L’échographie n’entraîne pas de lésion chez le foetus. Mais comme toute imagerie, il faut l’utiliser le moins possible. Le risque est de banaliser cette technologie, comme on le voit avec l’échographie «cinéma» et ses séquences animées. L’objectif n’est pas de dépister d’éventuelles anomalies mais de regarder le bébé. Des sociétés à but lucratif ont été crées dans ce but. Cela n’a plus rien à voir avec de la médecine. De plus, cela peut déboucher sur de mauvaises surprises même si, généralement, ces sociétés demandent qu’une échographie morphologique ait été effectuée en amont.

Des interventions chirurgicales se déroulent sur le foetus avant même sa naissance. Est-ce une tendance appelée à se développer?

La chirurgie foetale ne se pratique que dans les hôpitaux universitaires. C’est une médecine hyper spécialisée qui nécessite d’avoir un nombre minimum de cas pour être performante. A Zurich, des médecins interviennent in utero pour la réparation des spina-bifida. Ces interventions sont encore effectuées dans le cadre de protocoles d’études, mais les résultats sont encourageants. Une action précoce semble pouvoir améliorer le pronostic vital pour le bébé. Les autres hôpitaux universitaires en Suisse proposent un traitement prénatal laparoscopique pour les jumeaux qui partagent le même placenta (syndrome transfuseur-transfusé ou retard de croissance intrautérin sélectif d’un des foetus). Un instrument très fin de 3 millimètres est glissé dans la poche des foetus. Un laser est alors utilisé pour coaguler les anastomoses qui existent entre les deux circulations. A l’HNE, nous pratiquons uniquement des gestes diagnostics, comme l’analyse de cellules placentaires ou foetales prélevées par choriocentèse ou amniocentèse. 

Le développement de tests génétiques remboursés depuis 2015 par l’assurance de base a t-il réduit le nombre de gestes à risques? 

Oui, l’arrivée sur le marché du dépistage prénatal non invasif (DPNI) a permis de réduire de 40% le nombre de choriocentèses et d’amniocentèses entre 2014 et 2016. C’est un vrai progrès, car ces interventions entraînent une fausse-couche dans 0,5% des cas. Aujourd’hui, une simple prise de sang à la future mère permet dans la majorité des cas de détecter les anomalies chromosomiques foetales les plus fréquentes (trisomies 21, 18 et 13). 

Avez-vous été formée pour annoncer aux parents la découverte d’une maladie ou d’une malformation grave?

Durant la formation de médecine, nous avons des cours de communication aux patients, ce qui inclut l’annonce des mauvaises nouvelles. Mais cela dépend surtout de la sensibilité de chacun, de sa manière d’être et de son expérience. Personnellement, j’ai beaucoup appris des ainés qui m’ont formée. Mais il n’y a malheureusement pas de bonne façon d’annoncer une mauvaise nouvelle. Pour les parents, c’est toujours un cataclysme. Il est très important de prendre du temps pour eux, de les accompagner et de les soutenir. Il faut leur expliquer ce qui se passe et surtout ne rien leur cacher.

Qui prend la décision d’interrompre une grossesse?

On ne propose pas l’interruption ce n’est pas notre rôle. Certains parents l’évoquent spontanément. D’autres disent d’emblée qu’ils souhaitent garder leur bébé, même en cas de malformation grave ou létale. C’est le plus souvent lié à des convictions religieuses, mais il peut aussi d’agir d’une démarche personnelle. La prise d’une telle décision, quelle qu’elle soit, est extrêmement difficile. Notre rôle est d’être présent pour soutenir les parents et les accompagner dans cette épreuve.

Vous êtes vous-même mère de deux enfants. Comment avez vous vécu vos grossesses?

Avec ma formation, on a des inquiétudes que les autres femmes n’ont pas. On sait quels sont les risques à toutes les étapes de la grossesse. Pour mon premier enfant, j’étais sereine. Pour le second, j’étais beaucoup plus stressée. J’étais plus avancée dans ma formation, donc plus au fait de ce qui pouvait se passer – c’est peut-être une explication. Je suis d’autant plus reconnaissante d’avoir deux enfants en pleine santé. C’est un cadeau.

 

Bio express

Née le 30 juillet 1977 à Neuchâtel
Mariée et maman de deux enfants
Diplôme de médecin obtenu à la faculté de médecine
de Genève
Détentrice d’un FMH en gynécologie-obstétrique
Détentrice de diplômes interuniversitaires en
échographie gynéco-obstétricale et en médecine foetale

Citation

« Vivre la naissance d’un enfant est notre chance la plus
accessible de saisir le sens du mot miracle »
Paul Carvel