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Le RHNEmag est le magazine du Réseau hospitalier neuchâtelois. Publié deux fois par an, il traite de la vie de l'institution et de la santé en général au travers de reportages, de portraits et d'interviews

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L’accueil, premier geste de soin

17.06.2019

Recevoir un patient n’est pas une simple formalité administrative mais un enjeu humain et relationnel qui détermine souvent le bon déroulement d’une prise en charge. Plusieurs projets institutionnels sont en cours à l’HNE pour mettre l’accent sur ce moment clé

Entrer à l’hôpital n’est pas toujours un moment agréable. La maladie et le monde hospitalier causent une rupture dans le cours normal et prévisible de l’existence à l’origine d’un sentiment d’insécurité et de vulnérabilité. Recevoir en tout temps avec patience, amabilité et indulgence le désarroi du malade est une tâche fondamentale de toute personne oeuvrant au sein d’un établissement de soin. Bien accueillir un patient, c’est dépasser les réactions ordinaires pour s’efforcer de le rejoindre dans ce qu’il vit.

« L’accueil se fait au premier regard et on a une seule fois l’occasion de faire une bonne première impression »

Pour le patient, la rencontre avec un médecin ou un soignant est un moment important. Comme pour un rendez-vous d’embauche, les premières impressions sont déterminantes car elles imprègnent la mémoire affective. Ce phénomène est renforcé lorsque l’accueil s’effectue en situation d’urgence. Le patient interprète les paroles du soignant en fonction de l’accueil reçu et de son attitude non verbale. Il peut se sentir dépersonnalisé, c’est-à-dire ne pas être considéré en tant que personne mais comme un simple «cas». Pour Christophe Galzin, infirmier chef d’unité de soins (ICUS) aux urgences de l’HNE, c’est un moment clé: «L’accueil se fait au premier regard et on a une seule fois l’occasion de faire une bonne première impression.»

L’accueil aux urgences passe en premier lieu par le processus de tri réalisé par l’infirmière organisatrice de l’accueil (IOA). C’est elle qui clarifie la situation en posant des questions ciblées, en mesurant les paramètres vitaux et en définissant le délai maximum de prise en charge médicale des patients selon une échelle de 1 à 4.

Pour mettre à l’aise le patient dès son arrivée, le contact doit être chaleureux, sécurisant et respectueux. L’écoute, la disponibilité, la patience et le sourire doivent être de rigueur. Cette relation initiale participe à la création d’un climat de confiance. La démarche est ritualisée, que le patient soit seul où accompagné: le soignant se lève, se met face au patient et le regarde dans les yeux. Il lui serre la main, se présente en lui donnant son prénom, son nom et sa fonction. Il détermine le degré d’urgence puis invite le patient à prendre place en salle d’attente. «Ce rituel dépend des personnes, mais la démarche est uniforme et définie dans les bonnes pratiques des urgences de l’HNE, reprend Christophe Galzin. Elle est valable pour tout le personnel médical ou infirmier.»

Quand les patients arrivent aux urgences dans un état critique, il y a peu d’interactions possibles. «On essaye de procéder de cette manière, que ce soit pour une urgence vitale (degré 1) ou pour une prise en charge non urgente (degré 4).» Cette pratique vertueuse ne peut pas toujours être respectée, notamment lorsque des intervenants externes comme les médecins spécialistes viennent donner leur expertise. «Souvent, ils viennent, palpent, touchent et repartent, constate l’ICUS. Il y a un important travail à réaliser au niveau de l’accueil à travers la chaîne de soins.»

L’attente avant la prise en charge est toujours un moment désagréable. Christophe Galzin explique que cela s’avère parfois compliqué à gérer pour les soignants. Certains patients ne comprennent pas forcément pourquoi une autre personne est prise en charge avant eux. La difficulté à avoir accès à une information rapide concernant le délai de prise en charge crée des tensions. «Quand on est absorbé par son travail, on n’a pas toujours l’opportunité de revenir dire à chaque personne qu’on ne les oublie pas et qu’on va bientôt s’occuper d’eux, précise l’ICUS. Je suis tout à fait conscient que cela fait partie intégrante de l’accueil.»

La situation se complique lorsque le flux de patients augmente au fil de la journée. La durée d’attente peut aussi être corrélée à l’augmentation du nombre de passages aux urgences qui est passé à l’HNE de 28’000 passages en 2010 à 44’200 en 2018, dont 50% sont des urgences de degrés 3. «Beaucoup de gens n’ont pas de médecin traitant, ce qui n’était pas le cas il y encore quelques années, souligne Christophe Galzin. Comme les urgences sont ouvertes 24h sur 24h, de nombreuses personnes viennent consulter sans que cela soit une urgence.»

Dans certains cas, l’anxiété du patient peut déboucher sur de l’agressivité. La communication est dès lors plus compliquée, mais pas impossible «Il arrive que les gens soient vulgaires dans leur propos, avec des insultes à l’égard d’une infirmière ou d’un médecin», déplore Christophe Galzin. La maison de garde qui reçoit les patients le week-end et les jours fériés ainsi que la Voie verte durant la journée sont mis en place pour palier à ces problématiques liées aux prises en charge des degrés 3 et 4. Un médecin est mobilisé pour prendre les patients sur rendez-vous, réduisant ainsi considérablement le temps d’attente. «Cela crée beaucoup de satisfaction chez les patients, c’est un progrès important», souligne l’infirmier chef.

Des formations spécifiques sur l’accueil et sur la prise en charge des patients sont organisées au sein de l’HNE. Organisées par les IOA et les infirmières référentes du flux (IRF), elles visent notamment les personnes du 3ème et du 4ème âge. L’accent est mis sur l’étude des cas typiques. «Cela se fait sur des pratiques concrètes: gestion au niveau de l’accueil, d’une installation ou encore comment rassurer le patient sous forme de simulation. Ce sont des éléments repris régulièrement», précise Christophe Galzin.

Dans certaines situations, les patients ne distinguent pas aisément le personnel administratif ou technique du personnel soignant. Cela entraîne des confusions, notamment pour savoir à qui s’adresser dans l’enceinte de l’hôpital. Christophe Galzin considère que le travail sur l’accueil des patients devrait être pensé de manière globale à l’hôpital: «Il n’y a pas que les hôtesses d’accueil qui doivent travailler sur l’accueil. Les soignants, les médecins et les autres collaborateurs doivent tous être concernés.» Pour l’ICUS, le paradigme de l’hôpital devrait être dépassé, pour aller vers un accueil plus chaleureux et personnalisé: «Une des pistes est de s’inspirer des pratiques du secteur privé, mais sans tomber dans l’excès. L’objectif est que chaque patient ou visiteur se sente très important à nos yeux.»

Retenue comme priorité institutionnelle par le conseil d’administration de l’HNE, la problématique de l’accueil fera l’objet de plusieurs projets d’amélioration continue dans le courant de l’année 2019. Des ateliers, des formations actions, des simulations ou des vidéos seront utilisés pour travailler sur l’amélioration de l’accueil.

« L’objectif est que chaque patient ou visiteur se sente très important à nos yeux »

Un projet de «patient traceur» sera également mis en place. Cette technique, déjà éprouvée dans d’autres centres hospitaliers, permet aux collaborateurs d’entendre directement un patient sur leurs prestations directes et non sur la globalité de leur prise en charge. La technique consiste à retenir au hasard un patient en fin de prise en charge. Il participe à un entretien réalisé par une personne neutre, en présence des collaborateurs qui l’ont pris en charge. Le patient, éventuellement accompagné de proches, détaille son ressenti. Il débouche sur un discussion et d’éventuelles actions d’amélioration.

L’amélioration de l’accueil ne concerne pas uniquement les urgences, mais tous les services et unités de l’HNE. Ainsi, une démarche d’amélioration de l’accueil a été lancée en pédiatrie pour tous les «petits» patients ambulatoires et leurs parents. À terme, des audits «accueil» seront réalisés pour identifier les problématiques de flux et les problèmes spécifiques liés à la qualité de l’accueil. Avec l’objectif d’introduire une culture d’amélioration continue dans ce domaine, comme c’est le cas pour l’hygiène des mains ou la sécurité au bloc opératoire.

 

 

« Les patients ont des attentes importantes dans le domaine relationnel »

Entretien avec Béatrice Schaad, directrice de la communication du CHUV. Elle est l’auteure d’une thèse sur la dépersonnalisation des soins et l’initiatrice de l’Espace Patients & Proches du CHUV

HNE Mag: Dans votre thèse intitulée «Je ne suis pas un numéro – Quand patients et professionnels souffrent à l’hôpital», vous soulignez que les doléances des patients les plus fréquentes sont liées aux difficultés relationnelles avec les professionnels de la santé. Comment l’expliquez-vous ? 

Béatrice Schaad: Les patients et les proches ont une grande compréhension générale pour ce qui concerne l’erreur médicale. Ce n’est pas le cas pour l’erreur relationnelle. Ils ont des attentes importantes dans ce domaine et estiment que ce genre d’erreur est plus facile à éviter que dans le domaine clinique. Très fréquemment, un mot de trop ou une attitude inadéquate est l’élément déclencheur du dépôt d’une doléance. Il y a 15 ans, on n’aurait jamais attendu de son médecin qu’il se comporte différemment. À l’époque, son statut représentait une forme d’autorité. Aujourd’hui, les patients ont des attentes élevées sur le temps et l’attention qu’on leur consacre.

- L’Espace Patients & Proches (EPP) du CHUV permet aux patients et à leurs proches de déposer leurs doléances auprès d’un médiateur. Quel bilan tirez- vous après 6 ans d’activité ?

- L’intérêt d’avoir un lieu comme l’EPP est de pouvoir en tirer des enseignements sur la base de données que les médiatrices et le médiateur répertorient dans un monitoring construit sur la base d’une centaine d’indicateurs. Cela permet de sortir des statistiques précises par services concernant les doléances: comme par exemple, à quel moment de la prise en charge s’est produit le problème, de quelle nature était celui-ci, quelle solution a été développée pour le résoudre. Chaque année, les médiatrices et le médiateur de l’EPP s’adressent aux services les plus exposées à la doléance. Ils leurs présentent des statistiques sur la base desquels ils ont la possibilité de développer des projets pour améliorer par exemple la qualité de leur accueil.

La médiation vient compléter le travail du service des affaires juridiques où la preuve joue un rôle très important. À l’EPP, il n’y a pas d’investigation. On s’intéresse à la perception et non à la vérité des faits. Il suffit qu’un patient ou ses proches aient eu l’impression de vivre quelque chose de problématique pour qu’on s’y intéresse. J’ai été enthousiasmée par le fait qu’une institution telle que le CHUV, organisée sur la base de l’approche centrée sur des preuves (evidence-based) accepte d’ouvrir un lieu qui valorise la perception. On ne leur demande pas aux patients et aux proches si telle doléance est vraie ou fausse. On se fie à leur vérité.

- Quels sont les défis de l’accueil pour les hôpitaux publics?

- Pour paraphraser Pierre-François Leyvraz, directeur général du CHUV: «La médecine a énormément progressé au cours des trente dernières années sur le plan technique, il s’agit d’être d’autant plus attentif à préserver la qualité de la relation, les aspects humains» La médecine se complexifie. Les prises en charges se fragmentent entre spécialistes. Cela génère un sentiment de dépersonnalisation de la prise en charge. Il faut éviter la standardisation. Cela concerne d’ailleurs aussi les professionnels de la santé: ils doivent répondre à des pressions toujours plus fortes, qu’elles soient d’ordre temporelles, économiques ou administratives. La prise en considération de leur bien-être est une condition sine qua non du bon fonctionnement de l’hôpital. La sensibilisation à ces enjeux passe désormais aussi par la formation des jeunes médecins, grâce à l’ouverture de la faculté de Biologie et de Médecine face à ces problématiques et à son Doyen, Jean-Daniel Tissot. Elle permet de leur présenter les attentes des patients et des proches et de leur montrer ce que les professionnels peuvent éprouver lorsqu’ils sont en ruptures avec leurs patients.

 

 

Un accueil adapté aux enfants

Le projet «Kids Friendly» a pour objectif d’améliorer la prise en charge des jeunes patients au sein du département d’imagerie médicale sur le site de Pourtalès

Le contexte particulier d’un enfant malade et de parents angoissés demande un effort particulier de la part des soignants: la préparation à l’examen prend parfois plus de temps que l’examen lui-même. D’autant plus qu’en matière d’examens médicaux, les enfants n’ont pas la même perception que les adultes. D’où l’importance d’une prise en charge sur mesure, quelque soit la maladie. «En pédiatrie, il y a une approche ludique, notamment grâce aux jouets et aux peluches mis à disposition en salle d’attente et en salles d’examen, souligne la Dre Amira Dhouib-Chargui, radiopédiatre au Département d’imagerie médicale de l’HNE. Jusqu’à l’an dernier, ce n’est pas le cas chez nous.»

Pour améliorer les choses, la radio-pédiatre a initié avec d’autres collègues le projet «Kids friendly» du département d’imagerie médicale, qui a été accepté et validé par la direction générale fin 2018. Plusieurs mesures seront prises courant 2019, permettant d’améliorer la perception des enfants de leur expérience en radiologie. 

Une salle d’attente dédiée aux enfants, contenant des meubles adaptés à leur taille ainsi que des jouets, sera installée au service de radiologie afin de les occuper tout en leur garantissant une atmosphère accueillante. Des jeux de lumière LED seront installés dans les salles d’examen, des affiches explicatives de chaque examen seront accrochées sur les parois, destinées

aussi bien aux parents qu’aux enfants et des jouets collectés seront mis à leur disposition pour les divertir. Ces artifices ont pour but de rendre les conditions d’examen plus apaisantes.

Les protocoles pédiatriques toutes modalités confondues ont été adaptés et des cours de radiologie pédiatrique ont été dispensés aux collaborateurs du département pour les sensibiliser aux spécificités techniques de la prise en charge des enfants.

«Octroi de «certificats de bravoure» 

«Cela évite une future appréhension d’examen chez l’enfant, considère la Dre Dhouib-Chargui. Si une première expérience est réussie, la seconde se déroulera probablement aussi de manière optimale.» Cela facilite la création de l’indispensable lien de confiance entre le soignant, l’enfant et ses parents. Lorsqu’un examen est terminé, chaque enfant reçoit un certificat de bravoure. «C’est une petite attention, mais les enfants le reçoivent avec fierté», précise la radio pédiatre. Chaque petit patient pourrait recevoir également une pochette de crayons de couleur et une sucette – avec l’accord des parents, bien entendu.