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"J’étais persuadé que j’allais mourir"

29.06.2020

Le COVID-19 a durement frappé Helder Carinhas, 53 ans. 
Admis en urgence pour INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË , il a séjourné une dizaine de jours à l’hôpital Pourtalès. La maladie a emporté son père, hospitalisé dans la chambre voisine. Rencontre.

«J’avais toujours plus de difficultés à respirer, des maux de tête, des douleurs dans la poitrine… Quand je suis arrivé aux urgences de l’hôpital Pourtalès, une équipe s’est mise à s’affairer autour de moi et je me souviens encore du moment où ils m’ont appliqué un masque à oxygène, c’était une délivrance! On m’a ensuite installé dans une chambre de l’unité COVID-19. Comme je n’allais pas bien, j’avais mal à la poitrine, ils sont restés toute la nuit près de moi.»

Helder Carinhas, 53 ans, garde en mémoire tous les détails de son hospitalisation. Tout avait commencé une semaine plus tôt, le 12 mars, quand les premiers symptômes de la maladie se sont manifestés. Le lendemain, cet aide-soignant en EMS est testé positif au nouveau coronavirus, de même que ses enfants et son ex-épouse. Prié de rester confiné chez lui, il confie son père de 94 ans - avec lequel il vit - à son frère, le temps de se rétablir. Mais son état se dégrade jour après jour, jusqu’à l’insuffisance respiratoire sévère. Le vendredi 20 mars, il appelle le 144 qui l’adresse illico aux urgences.

«Durant le week-end à l’hôpital, j’étais mal, malgré l’oxygène et les traitements. On m’a donné beaucoup de choses, on m’a fait des injections. J’étais contrôlé en permanence. Plusieurs médecins sont venus me voir, dont le Dr Jean-Marc Fellrath, chef du Service de pneumologie, qui m’a dit que si mon état empirait, je devrais être transféré aux soins intensifs. C’est ce qui est arrivé le 22 mars: j’avais une insuffisance respiratoire hypoxémique nécessitant une ventilation à 100% au ventimask. Les médecins m’ont demandé si je les autorisais à m’intuber en cas de nécessité. J’ai accepté, mais ma voisine, dans le lit d’à côté, a refusé. Je ne sais pas si elle s’en est sortie… Les infirmiers venaient me contrôler sans arrêt, je n’allais vraiment pas bien. Mais surtout, j’étais persuadé que j’allais mourir. Je me disais: si ce n’est pas aujourd’hui, alors ce sera demain…»

Comme si cette détresse ne suffisait pas, une mauvaise nouvelle surgit au troisième jour de son séjour en soins intensifs: une infirmière vient lui annoncer que son père a lui aussi contracté le COVID-19 et qu’il est hospitalisé dans l’unité de ventilation non invasive, deux étages en-dessus. En se remémorant ce moment, Helder est gagné par l’émotion. Il s’interrompt, puis reprend à mi-voix: «Vous comprenez, mon Papa était fragile, il avait plusieurs problèmes de santé… J’ai pleuré.»

Après quatre jours aux soins intensifs sans intubation, son état s’améliore. Peu à peu, les soignants diminuent l’apport en oxygène. «Le soir, un médecin est venu me dire que je pourrais être transféré en chambre.» Helder est placé dans l’unité de ventilation non invasive, une zone confinée créée au plus fort de la pandémie. Le hasard fait qu’il se retrouve dans la chambre voisine de son père, si bien qu’il peut lui rendre trois brèves visites. «Moi j’allais beaucoup mieux, mais le 28 mars au petit matin, on est venu m’apprendre que mon Papa était décédé. Là, mon moral a plongé…»


Malgré ces tragiques circonstances, Helder est pratiquement guéri du COVID-19. On cesse de l’alimenter en oxygène. Le lendemain, quand il sort de l’hôpital, il est pris d’un fort sentiment de reconnaissance pour ceux qui l’ont soigné. «C’était une belle équipe», annonce-t-il, «chacun a tout fait pour m’aider! Médecins, infirmières, aide-soignants… J’étais toujours très entouré.»

Et de citer ce physiothérapeute spécialiste de la ventilation qui l’a suivi pour contrôler sa saturation, puis lui faire faire des exercices en vue de sa sortie. «Il est même venu me dire au revoir juste avant que je quitte l’hôpital!», se rappelle Helder. Ou cette diététicienne qui était à son chevet pour l’aider à recommencer à s’alimenter. «Car je n’arrivais plus à manger, dès que les premiers symptômes de la maladie sont apparus. Boire et se nourrir passe au second plan quand on a de la peine à respirer… C’est pourquoi à l’hôpital, mes plateaux-repas ont été spécialement adaptés pour que je puisse me remettre à manger. La diététicienne m’a aussi donné des conseils alimentaires pour préparer mon retour à domicile.»

Un mois après sa sortie, Helder nous reçoit dans son appartement de Fleurier, sa fille aînée à ses côtés. Les papiers de l’hôpital sont posés sur la table. Il explique qu’il reprend gentiment des forces entre promenades et brèves sorties bien à l’écart des foules. «Je respire normalement, je n’ai plus de douleurs, mais j’ai des angoisses»: il se revoit entre la vie et la mort, dort mal, s’inquiète pour sa mémoire qui lui joue des tours, repense à son père… Pour ne pas en rester là, il vient de prendre rendez-vous avec une psychologue. Il ressent «le besoin de parler pour faire sortir tout ce qu’il y a dans ma tête.»