"A l'époque, il y avait un bloc opératoire dans chaque vallée"

23.09.2016

Portrait - H.com septembre 2016

Médecin adjoint de réadaptation  à l'hôpital de Couvet, Esad Aganovic a connu une trajectoire hors normes. Rencontre

Avec son large sourire, Esad Aganovic dégage une chaleur humaine qui met son interlocuteur immédiatement à l'aise. Pourtant,  rien  n'a été simple pour ce gynécologue de Sarajevo qui a quitté son pays en 1992, juste après le  déclenchement de la guerre de Bosnie. "Avec ma femme,  nous avons décidé de partir pour assurer la sécurité de notre fille unique, souligne-t-il. C'était notre priorité absolue. Je ne le regrette pas. Ici, elle  a pu faire de brillantes études et a une carrière professionnelle exemplaire. Mais pour nous, ça a été difficile."  

Comme Esad Aganovic  a un ami qui joue au basket à Vevey, la famille  s'installe en Valais. Après un premier emploi comme bénévole à l'hôpital de Sion, il est finalement engagé comme médecin-assistant. "La Suisse ne reconnaissait pas mon titre de médecin, se souvient-il. A l'époque, il fallait être naturalisé pour obtenir le diplôme fédéral. J'ai ramé, et mon épouse aussi. A Sarajevo, elle était sous-directrice d'une banque nationale. Nous avons dû repartir de zéro. Je n'aime pas trop rembobiner cette cassette."

Esad Aganovic débarque pour la première fois à Couvet le 2 mai 1995. "J'étais venu ici pour faire un stage de 3 mois. J'y suis depuis 21 ans", se marre-t-il.  La raison? La direction de l'hôpital et la commune lui assurent qu'elles feront tout leur possible pour qu'il obtienne la nationalité suisse – une  priorité pour lui.

Le médecin d'origine bosniaque a connu "la grande époque" de l'hôpital de  Couvet, quand on y faisait tout. "Au début, ça a été un choc. Pour  moi, c'était frappant de voir qu'il y avait un  bloc opératoire dans chaque vallée. La nuit, je faisais le piquet pour les services de chirurgie, de médecine et pour la maternité. Une autre époque."   

Quand l'hôpital de Couvet change de mission pur devenir un centre de réadaptation et de suites de traitement, Esad Aganovic soutient le projet et décide de se spécialiser dans la discipline. "Dès l'origine, j'étais convaincu qu'il fallait réunir  tous les sites de réadaptation sous un seul toit pour assurer une bonne qualité des soins et faciliter le recrutement. Aujourd'hui, le projet est en marche. Mais je ne vivrai pas sa concrétisation de l'intérieur: dans 3 ans, je serai à la retraite.

D'ici là, il vivra la fermeture du CTR de Couvet, le printemps prochain. "Bien sûr, il y aura une certaine  tristesse. Mais je suis positif, c'est pour assurer l'avenir de l'hôpital public dans le canton. J'irai travailler au Locle tout en continuant à habiter à Couvet. Ce sera une autre équipe, mais le même métier.  Pour moi, ça ne pose aucun problème: je regarde toujours vers l'avant. "