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Le RHNEmag est le magazine du Réseau hospitalier neuchâtelois. Publié deux fois par an, il traite de la vie de l'institution et de la santé en général au travers de reportages, de portraits et d'interviews

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« Avant la transplantation, la maladie prenait toute la place »

24.12.2018

Willy Brossard a reçu un nouveau rein il y a 15 ans. Une opération qui a changé sa vie en profondeur. Rencontre

La vie était entre parenthèse.» Quand il pense à son quotidien avant la transplantation, Willy Brossard a la gorge nouée par l’émotion. Il se souvient avec une précision chirurgicale de l’instant qui a tout changé: «C’était le 29 juillet 2003. Un mardi vers 17h. J’étais à la maison, je venais de rentrer d’une balade à vélo. J’étais fâché. Je n’avançais pas. Le téléphone a sonné. Mon épouse a décroché. Il y avait un rein pour moi aux HUG! On m’a demandé de venir tout de suite. A 19h, j’étais à Genève. J’ai été opéré le lendemain à l’aube. L’opération a duré 6 heures. Le début d’une nouvelle vie.»

Willy Brossard n’a aucune information sur le donneur, décédé ce jour-là. «Le don est anonyme. Je sais en revanche qu’il était aux HUG, ce qui fait que le rein n’a pas voyagé. Il s’est mis à fonctionner immédiatement après la greffe. En 15 ans, je n’ai jamais eu le moindre souci. J’ai vraiment eu beaucoup de chance.»

La reconnaissance du patient greffé est à la hauteur du changement que sa vie a connu depuis cet été béni. «Longtemps, j’ai réglé mon problème rénal avec des médicaments. J’étais toujours fatigué. Début 2001, les choses ont empiré : je n’avais plus que 20% de fonction rénale. J’ai commencé les dialyses. C’est incroyablement contraignant.»

Le citoyen de Marin a deux possibilités: venir à l’hôpital trois fois par semaine pour se faire dialyser pendant 6 heures ou utiliser une machine pour filtrer son sang chez lui, pendant la nuit. «A l’époque, j’avais 51 ans. Mes deux fils étaient en études, je ne pouvais pas me permettre d’arrêter de travailler. J’ai choisi la dialyse péritonéale à domicile.»

Willy Brossard garde un mauvais souvenir de cette période. «Au début, on ne sait pas trop ce que cela implique. Très vite, c’est la claque. Votre vie est complètement chamboulée, la maladie prend toute la place. Moi qui ai été sportif toutema vie, j’ai pris du poids, jusqu’à 98 kilos. Je ne bougeais plus. Je n’y arrivais pas. J’étais beaucoup trop fatigué. Mon médecin néphrologue m’a très vite dit que seule une transplantation pouvait changer les choses.»

 

« La sensibilisation est très importante pour inciter les Suisses à se positionner sur le don d’organe »

 

L’actuel président de l’ANeDiT, l’Association neuchâteloise des dialysés et transplantés, souligne aussi l’impact délétère de la maladie sur sa vie sociale et familiale. «Vous n’avez pas de projet, tout est gelé dans l’attente d’un coup de téléphone. Pendant deux ans, on vous parle de don d’organe mais il ne se passe jamais rien. Mentalement, c’est très difficile à gérer. Pour vous, bien sûr, mais aussi pour vos proches.»

Pour cet ancien technicien de Rolex, désormais retraité, la greffe a constitué «une délivrance». Il précise que ce n’est pas le cas de tous les patients qui sont passés par là: «Le Professeur Martin, qui m’a pris en charge aux HUG, répète souvent que «chaque transplanté, c’est une autre histoire». Certains vivent mal le fait d’avoir dans leur corps un organe qui appartenait à un tiers. Personnellement, je n’ai jamais ressenti cela. Je suis extrêmement reconnaissant. J’ai senti dès les premiers jours qui ont suivi mon opération que cela allait mieux.»

Willy Brossard a recommencé à travailler progressivement. Il a retrouvé une activité à 100% dès le mois d’octobre 2003, deux mois seulement après la greffe. Depuis lors, il a accumulé les voyages avec l’appétit des miraculés. «Avec mon épouse, nous avons fait un mois en Amérique du Sud, entre la Bolivie, le Pérou et le Chili. Ah, la Cordillère des Andes... un rêve de gosse. Nous sommes aussi allés au Cambodge, au Viet-Nam, en Jordanie, au Mexique... Autant de destinations qui étaient inenvisageables comme dialysé. Je dois tout cela au don d’organe. Avant, j’étais totalement hors-circuit.»

L’ancien sportif a aussi pu renouer avec son amour du cyclisme, du tennis et du ski de fond. En 2017, il a gravi le Mont-Ventoux à vélo depuis Bédoin, soit 22,7 km avec 1622m de dénivelés. Un col mythique du Tour de France et un Everest pour chaque cycliste amateur. «Je suis monté avec mon fils, cela reste un souvenir incroyable, se souvient le transplanté avec une forte émotion. J’ai mis 3 heures pour arriver en haut. A 67 ans, greffé, il fallait le faire.»

Afin «de rendre au système un peu de ce qu’il a reçu», Willy Brossard s’investit dès qu’il le peut pour sensibiliser la population au don d’organe. Fin octobre, il a participé à une action de promotion du nouveau Registre national du don d’organe en partenariat avec Swisstransplant, l’Hôpital neuchâtelois et la Swiss Football League à l’occasion du match Neuchâtel Xamax-Lucerne au stade de la Maladière. «La sensibilisation est très importante pour inciter les Suisses à se positionner sur le don d’organe, estime le Neuchâtelois. L’augmentation du nombre de donneurs permettra de sauver des vies et d’en transformer d’autres. C’est un enjeu majeur de santé publique.»