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Pour améliorer le pronostic vital

10.05.2017

Centre du sein: une unité pluridisciplinaire d’excellence de prise en charge des pathologies bénignes et malignes du sein

Considéré par l’OMS comme un problème de santé publique, le cancer du sein représente un défi majeur en Suisse: notre pays figure parmi ceux où l’incidence de cette pathologie est la plus élevée au monde. Swiss cancer screening recense 5300 nouveaux cas chaque année, c’est-à-dire un tiers des cancers féminins. Une lueur d’espoir cependant: les registres montrent que la mortalité par cancer du sein a diminué ces dernières années dans notre pays, avec un taux de survie de 82% à cinq ans. Ce qui place la Suisse parmi les nations où le pronostic est le meilleur pour cette forme de cancer.

La littérature médicale démontre qu’une prise en charge pluridisciplinaire dans une unité de pointe améliore le taux de survie des patients. Raison pour laquelle la plupart des cantons ont créé des pôles d’excellence dans le domaine de la sénologie, à l’instar du Centre du sein du département de gynécologie-obstétrique de l’Hôpital Neuchâtelois (HNE) ouvert en novembre 2014 à l’hôpital de La Chauxde- Fonds. Le centre rassemble une vingtaine de médecins spécialistes de dix domaines (chirurgie du sein, oncologie médicale, radio oncologie, radiologie, pathologie, médecine nucléaire, chirurgie plastique et reconstructive, génétique médicale, soins palliatifs, unité de fertilité, psychiatrie) ainsi que des infirmières référentes et des physiothérapeutes. Toujours plus pointue, la médecine évolue vers davantage de spécialisations: en gynécologie-obstétrique par exemple, une des formations post grade de sénologie et de gynéco-oncologie est spécifiquement ciblée sur les maladies des seins et les cancers de l’appareil reproducteur féminin.

«Le travail pluridisciplinaire permet d’organiser une prise en charge rapide, médicalement coordonnée et efficiente, résume la Dresse Marie-José Chevènement, gynécologue, obstétricienne, sénologue et responsable médicale du Centre du sein. Les examens de diagnostic peuvent être concentrés sur une seule journée! Lorsque nous décelons une forme de tumeur agressive chez une personne jeune, nous sommes en mesure de mettre sur pied un traitement ciblé dans les dix jours».

 

« Lorsque nous décelons une forme de tumeur agressive chez une personne jeune, nous sommes en mesure de mettre sur pied un traitement ciblé dans les dix jours »

 

Le Centre du sein est astreint aux critères de certification de la Société suisse de sénologie et la Ligue suisse contre le cancer avec des conditions à respecter énumérées sur une trentaine de pages. Celles-ci portent notamment sur les compétences des spécialistes, les traitements médicaux, le respect des délais de prise en charge et le nombre minimal de cas, soit 125 par an. Un seuil que le centre de La Chaux-de-Fonds parvient à respecter, avec 184 nouveaux patients pris en charge l’an dernier. La certification suisse est en cours de préparation  cette année. «S’il fallait le partager le centre en deux, nous tomberions sous ce seuil et c’en serait fini de la certification», s’inquiète la doctoresse.

Dès l’annonce du diagnostic, les patients sont référés par leur gynécologue ou leur médecin traitant au Centre du sein. Après examens plus approfondis, un plan de traitement personnalisé est établi. Il est soumis au tumorboard (un comité d’experts qui rassemble des sénologues, des radiologues, des nucléaristes, des oncologues et radiooncologues, des pathologues, un plasticien) qui l’évaluent ensemble avant de le valider.

«En réunissant toutes ces compétences, nous sommes plus forts, explique la Dresse Chevènement. Depuis une quinzaine d’années, la prise en charge a radicalement changé: elle est de plus en plus individualisée et pluridisciplinaire. Les traitements sont aujourd’hui ciblés sur le profil génétique de la tumeur, ce qui constitue une avancée énorme. Il existe différentes formes de cancer, certaines plus agressives que d’autres. Nous nous concentrons sur leur biologie, car des progrès importants ont été accomplis en matière de classification génétique. Nous devons pouvoir confronter des paramètres émanant de plusieurs domaines (radiologie, pathologie, médecine nucléaire, etc.) pour définir la thérapie la plus efficiente.»

Le traitement comprend généralement une opération par un sénologue astreint à un nombre minimal d’actes chirurgicaux par an, garant d’une meilleure expertise. Une reconstruction (prise en charge par la LAMAL) peut être effectuée en même temps ou ultérieurement. Si le sein est conservé, des rayons sont habituellement prescrits. Selon le type de tumeur, une chimiothérapie et une hormonothérapie peuvent s’avérer nécessaires.

«Aujourd’hui nous pouvons mieux cibler l’indication d’une chimiothérapie grâce à de nouveaux outils. Par exemple un nouveau test sur la tumeur est pris en charge par l’assurance de base depuis janvier 2015. Son but est de  déterminer si le risque de récidive est faible, moyen ou élevé», détaille la doctoresse.

Le protocole de chimiothérapie sera établi en fonction de l’agressivité de la tumeur, Plusieurs nouveaux médicaments introduits ces dernières années ont permis d’améliorer le taux de guérison. Parmi eux, des molécules utilisées depuis 2006 pour cibler les cancers du sein HER2 positifs (25% des cas), de mauvais pronostic au départ mais pour lesquels on atteint le taux de guérison comparable à ceux de bon pronostic avec ces traitements.

Les hommes aussi

En tant que pôle de sénologie, le centre traite toutes les maladies du sein, y compris les infections, les tumeurs bénignes ou les lésions frontière (qui peuvent devenir malignes). «Les pathologies bénignes sont souvent méconnues. Certaines femmes trainent pendant des années des affections qu’on peut guérir en une opération.»

La patientèle n’est d’ailleurs pas exclusivement féminine, car les hommes peuvent aussi souffrir de maladies mammaires. Le centre a pris en charge plusieurs messieurs l’an dernier, dont quatre atteints d’un cancer du sein.

 

Quel avenir pour le centre ?

Avec des règles d’accréditation exhaustives, la Société suisse de sénologie impose aux unités spécialisées un volume minimal dans le but d’obtenir une qualité de traitement plus élevée. «Atteindre ce seuil au Centre du sein à La Chaux-de Fonds n’était pas gagné d’avance, souligne le Dr Yves Brünnisholz, chef du département de gynécologie-obstétrique de l’HNE. Il a fallu convaincre les gynécologues installés et les généralistes de l’intérêt d’y adresser les patientes dont le dépistage s’est avéré positif. A l’interne, des sacrifices ont été consentis: nous avons dû persuader des gynécologues du département - dont certains opéraient des seins depuis 15 ans - de renoncer à cette chirurgie. Pour le bien des patientes, les opérations ont été restreintes à 4 gynécologuessénologues. La littérature montre que plus un chirurgien pratique le même acte meilleure sera la qualité.»

Le département du gynécologie obstétrique est chargé de former des médecins pour assurer la relève dans le canton. Il est contrôlé par l’Institut suisse pour la formation médicale post graduée. Les médecins-assistants du département de gynécologie-obstétrique doivent impérativement passer par le Centre du sein.

Seuil minimum de 125 cas par an

Quid de l’avenir du centre après l’acceptation de l’initiative pour le maintien de deux hôpitaux autonomes, le 12 février? Dans la mesure où le texte prévoit la mise en place de deux entités autonomes et indépendantes, il est incertain. Si l’unité est coupée en deux, elle n’atteindrait plus le seuil de 125 nouvelles prises en charge par an impératif pour obtenir l’accréditation nationale. Autre problème: le personnel du Centre du sein travaille en partie au département de gynécologie à Pourtalès, dont il dépend directement. «Pour les patientes, la disparition de l’unité signifierait qu’elles devraient recommencer à se faire opérer par des médecins non spécialistes du sein, qui n’atteignent pas forcément un seuil minimum dans ce domaine, souligne le Dr Brünnisholz. Ce serait une régression en matière de qualité.»

Sans Centre du sein, il faudrait travailler en partenariat avec un hôpital universitaire. Cela entraînerait une perte de substance sur le territoire cantonal, avec le recours à des praticiens actifs ailleurs. «Cela ne coûterait pas forcément moins cher, juge le médecin-chef. Les interventions hors cantons coûtent le même prix au canton (réd: 55% de la facture). En revanche, cela ferait baisser l’attractivité des hôpitaux neuchâtelois auprès des gynécologues en formation, contribuant à aggraver notre difficulté à attirer la relève.»