RHNEmag

Le RHNEmag est le magazine du Réseau hospitalier neuchâtelois. Publié deux fois par an, il traite de la vie de l'institution et de la santé en général au travers de reportages, de portraits et d'interviews

> Voir tous les RHNEmag

Quand la médecine permet de réaliser son désir d’enfant

18.05.2016

Un nombre croissant de couples consultent l’Unité d’infertilité de l’HNE

En chiffres: Près de 4 couples sur 10 consultent pour un désir de grossesse non assouvi. En Suisse, quelque 6200 couples ont procédé à une fécondation in vitro durant l’année 2013, a calculé l’Office fédéral de la statistique: pour un gros tiers d’entre eux, les traitements ont abouti à une grossesse, donnant lieu à la naissance de 1891 enfants vivants.

On parle d’infertilité lorsqu’un couple ne parvient pas à concevoir après une année de rapports sexuels réguliers. Les entraves à une grossesse peuvent avoir diverses causes: 30% sont d’origine masculine, 30% de nature féminine  et 40% résultent du cumul d’un problème masculin et féminin. Il n’empêche, bon nombre de troubles provoquant une infécondité peuvent être traitées médicalement.

Une unité d’infertilité a été ouverte par le Dr Patrick Chabloz en 2000 à l’hôpital Pourtalès, à Neuchâtel. La plupart des patients qu’elle reçoit – les consultations ont toujours lieu en couple - sont adressés par le gynécologue traitant. Le premier rendez vous consiste en une discussion approfondie entre le médecin et les conjoints. Il ne débouche que rarement sur un examen médical. C’est à la seconde étape que sera mené un cycle de contrôles: les examens porteront sur les hormones féminines et l’anatomie gynécologie (utérus, ovaires) investiguée par échographie. Le médecin procédera aussi à une, deux ou trois échographies à divers stades du cycle menstruel. Une hystérographie peut aussi être effectuée dans le service de radiologie pour examiner l’intérieur de la cavité utérine et les trompes. Les investigations comprendront une analyse de sperme en interaction avec la glaire cervicale.

 

« On parle d’infertilité lorsqu’un couple ne parvient pas à concevoir après une année de rapports sexuels réguliers »

 

Affiner le diagnostic 

Une laparoscopie sous anesthésie générale est nécessaire pour 20 à 30% des femmes examinées af in d’affiner le diagnostic ou confirmer une pathologie suspectée, et dans la mesure du possible, opérer si problème il y a. «Dans le traitement de l’infertilité, la laparoscopie de diagnostic est plus fréquente que dans les autres domaines de la chirurgie», explique le Dr Chabloz.

Trois autres gestes opératoires peuvent être effectués, à savoir l’hystéroscopie (examen de l’utérus), la chirurgie de l’endométriose (une maladie qui découle de l’implantation de muqueuse utérine dans le péritoine pelvien ou les ovaires notamment) et, plus rarement, les réparations des trompes. «En un mois, relève le Dr Chabloz, nous aurons fait tous les examens de base et 90% des pathologies pourront être mises en évidence». A partir de ces investigations, les médecins établiront des propositions de traitement qu’ils soumettront aux couples.

Les traitements remboursés

L’assurance de base (LAMal) prend en charge les examens de fertilité auprès des femmes jusqu’à l’âge de 40 ans - 42 ans pour certaines caisses maladie. Concrètement, les traitements remboursés comprennent la stimulation ovarienne et 3 cycles d’inséminations intra-utérines. Pratiquées lorsque la semence du conjoint est de qualité moyenne, celles-ci consistent à déposer du sperme lavé et trié dans la cavité utérine à l’aide d’un cathéter, au moment de l’ovulation. Si ces cycles donnent lieu à une fausse couche ou une grossesse extra-utérine, l’assurance remet les compteurs à zéro: elle assumera les coûts d’une nouvelle série de trois inséminations. Mais si ces trois cycles ne devaient pas aboutir à une grossesse, les éventuels traitements ultérieurs - dont la fécondation in vitro - ne seront pas couverts par la LAMal. «Trois cycles, c’est relativement peu... Idéalement, la prise en charge devrait aller jusqu’à six», estime le Dr Chabloz. En Suisse, la prise en charge  de la procréation médicalement assistée par l’assurance de base est plus limitée qu’en France, Allemagne ou Belgique notamment. Raison pour laquelle la composante financière peut avoir un impact sur les traitements que choisiront les couples de notre pays.

C’est une tendance sociétale qu’on observe un peu partout en Occident: les femmes de moins de 30 ans sont toujours moins nombreuses à enfanter. L’âge moyen de la maternité en Suisse (indépendamment du nombre d’enfants par femme) était de 31.7 ans en 2014, selon l’Office fédéral de la statistique. Or, la fertilité de la gent féminine décline nettement après 35 ans, ce qui conduit un nombre croissant de couples de 36 ans et plus à consulter pour infertilité. Dans la majorité de cas, le problème est dû à une diminution normale de la fertilité à l’approche de la quarantaine. D’un point de vue biologique, le premier enfant devrait idéalement être conçu avant que la future mère ait atteint 30 ans.

 

Fécondations in vitro en hausse

Membre de l’organisation FIVNAT-CH, l’Unité d’infertilité de l’HNE est agréée pour poser l’indication d’une fécondation in vitro (FIV) et démarrer le traitement, la stimulation hormonale en particulier. Dès l’étape de la récolte des ovocytes (oeufs), elle adresse les couples au Centre de procréation médicalement assistée (CPMA) du CHUV, à Lausanne, avec lequel elle travaille en réseau. Ce service est équipé d’un laboratoire spécialisé en andrologie opérationnel sept jours sur sept.

Une fois les ovocytes de la patiente prélevés, ils sont réunis avec les spermatozoïdes dans une éprouvette. Autrement dit, chaque oeuf se retrouve en présence de 50’000 spermatozoïdes. La fécondation se déroule sans autre intervention. Le lendemain 1 à 2 zygotes (ovocytes fécondés) sont mis en culture. Les zygotes surnuméraires sont congelés. Deux jours plus tard, ils sont transférés dans l’utérus de la patiente à l’aide d’un cathéter, un geste indolore. Cette technique mise au point par deux médecins britanniques n’a cessé de se développer depuis la naissance du premier «bébé  éprouvette» en 1978.

Pour contourner une sévère infertilité d’origine masculine, une variante a vu le jour il y a une vingtaine d’années: la fécondation in vitro ICSI, qui consiste à injecter un spermatozoïde directement dans l’ovocyte. Le taux de réussite d’une FIV décroit rapidement chez les femmes de plus de 35 ans. L’objectif, en initiant le traitement, est d’obtenir entre 8 et 10 embryons dont deux seront implantés. Or à l’approche de la quarantaine, une patiente aura moins d’ovocytes à féconder, y compris dans le cadre d’une fécondation in vitro. L’âge a aussi un impact sur la qualité des oeufs, qui se dégrade avec le temps. La conséquence, c’est un risque plus élevé de malformation génétique – comme la trisomie 21 – pour le foetus. Cela dit, les fécondations in vitro motivées par une baisse de la fertilité due à l’âge sont en augmentation depuis une dizaine d’années partout en Suisse.

Dans le canton de Neuchâtel, chaque semaine six patientes en moyenne entreprennent une FIV, à leurs frais: en Suisse (contrairement à la France ou l’Allemagne), la fécondation in vitro n’est pas prise en charge par l’assurance de base. Son coût peut atteindre 10’000 CHF.