« On s’attend encore rarement à ce qu’une femme se défende »
« On s’attend encore rarement à ce qu’une femme se défende »
Ornella Galvani, de l'association Pallas Autodéfense.
Le 8 mars, à l’occasion de la Journée des droits des femmes, le RHNe organise des ateliers (inscriptions encore ouvertes sur ce lien intranet) d’autodéfense dispensés par l’association suisse Pallas Autodéfense.
Ornella Galvani, art thérapeute diplômée de profession, animera les ateliers dispensés à La Chaux-de-Fonds. Elle nous dévoile le contenu de cette initiation et l’importance d’acquérir les bons réflexes.
Comment vont se dérouler les ateliers d’initiation à l’autodéfense ?
Ornella Galvani : L’autodéfense, ce n’est pas uniquement quelque chose de physique, comme on pourrait le penser, elle se pratique aussi au niveau verbal. L'idée de cette initiation, c’est d’abord d'apprendre à identifier ses limites, c’est-à-dire ce que chaque personne tolère, et apprendre ensuite à les exprimer. On va essayer de comprendre comment le faire sans faire escalader la violence, car on privilégie toujours une stratégie de désescalade. L'autodéfense physique n’est utilisée qu’en dernier recours. Pour cela, nous enseignerons les techniques de défense physique basiques : comment se dégager si quelqu'un nous tient le bras, comment réagir face à un patient violent, etc. Les techniques d’autodéfense doivent être simples afin qu'elles deviennent des réflexes.
La désescalade est-elle aussi un moyen de se protéger ?
Oui. L'idée principale face à une situation inconfortable, c'est de ne pas devoir aller au contact. Mais, si cela ne fonctionne pas, malheureusement, on n’aura pas d'autre choix que d'aller vers quelque chose de plus physique ou de plus violent. Durant ces ateliers, il y a un gros travail effectué sur la manière dont on communique ses limites sans avoir besoin de faire augmenter la violence.
Comment communique-t-on ses limites ?
Avant de les communiquer, il faut déjà les connaître, les identifier. Et cette première phase est difficile parce qu’elle demande de se faire confiance. Quand on sent qu’une situation devient un peu moins confortable pour nous, que ça va un peu trop loin pour nous, on a souvent tendance à prendre sur soi, à se dire que cela va passer, plutôt que de dire stop. Grâce à la libération de la parole des femmes, certains actes ou paroles sont plus faciles à identifier aujourd’hui, mais sur des petites choses, c'est encore difficile de savoir comment réagir. Par exemple : le collègue qui vient nous parler d’un peu trop près. Ce n’est pas réellement une situation de harcèlement au travail, mais on n'est pas à l'aise avec cela pour autant. Les situations de ce genre restent dans une zone grise et il est difficile de savoir comment affirmer clairement que cela va au-delà de nos limites.
Les techniques d’autodéfense physique s’adressent-elles à tous les âges, à toutes les conditions physiques ?
Oui ! J’ai déjà fait des cours avec des enfants, ainsi qu’avec une dame qui avait presque 90 ans. On s'adapte au profil des personnes et à leur condition physique. Chez Pallas, nous dispensons également des cours pour des personnes en situation de handicap. Les gestes enseignés sont, pour tout le monde, des gestes simples qui ne nécessitent pas de force physique, faciles à retenir et à mettre en place. C’est essentiel pour qu’ils deviennent des réflexes, car en cas d’agression, on ne peut pas passer un quart d’heure à réfléchir aux bons gestes.
Un exemple de technique d’autodéfense ?
Quand on essaie de dégager son poignet, on va forcer l'autre à mettre ses articulations dans une position qui n’est pas confortable et qui va le forcer à lâcher prise. Il n’est pas nécessaire d'être très musclée pour cela. Moi-même, je ne suis pas super sportive ! L'effet de surprise fonctionne également bien en autodéfense parce qu’encore aujourd'hui, les stéréotypes font qu’on s'attend rarement à ce qu'une femme se défende. Donc on joue aussi sur cet effet de surprise contre l'agresseur.
Y a-t-il des éléments d’autodéfense spécifiques au monde du travail ?
Les mêmes choses peuvent s’appliquer un peu partout, mais les ateliers s'orienteront plutôt sur des situations potentiellement plus courantes dans le monde du travail. Par exemple, l’accent ne sera pas mis sur la personne qui nous attaque par derrière et nous plaque au sol, car dans un contexte professionnel, c'est assez peu probable. On va mettre l'accent sur des situations plus simples : un collègue ou un patient qui nous attrape le bras, l'épaule, etc. Nous adaptons également la formation aux cas réels amenés par les participantes. Les jeux de rôles se basent aussi sur des situations qui leur ont posé problème. Cela peut être quelque chose qui leur est arrivé et qu’elles ont envie de partager ou une situation vécue par une collègue, une amie. On réfléchit ensuite ensemble à des pistes de solutions, pistes qui peuvent d’ailleurs être différentes pour chacune en fonction de ses limites.
Les hommes sont également bienvenus dans les ateliers proposés au RHNe. Dans la pratique, est-ce qu’ils sont nombreux à participer à vos cours ?
Mes cours ne sont pas systématiquement ouverts aux hommes parce qu’il y a une grande partie du travail consacré aux stéréotypes sur les femmes qui seraient incapables de se défendre. Mais il m’arrive de proposer des cours mixtes et la formation se déroule toujours très bien. Les hommes sont peu nombreux à participer. Ceux que j’ai rencontrés durant mes cours étaient vraiment dans une démarche de recherche de conseils face à des situations où, eux aussi, peuvent se sentir démunis. Certains avaient été victimes ou témoins d’une agression, d’autres cherchaient à comprendre ce qu’ils pouvaient faire lorsqu’ils étaient témoins de comportements dépassant les limites de femmes avec lesquelles ils se trouvent.