Les réseaux de soins intégrés vu par une IA

Date de publication : 27.11.2025

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Olivier Strub, directeur du CIGES.

Nous, humains, parlons beaucoup d’intelligence artificielle (IA) ces temps-ci. Histoire d’équilibrer un peu les choses, je me suis prêté au jeu de questionner une IA quant aux points forts des humains dans l’élaboration de systèmes complexes tels qu’un réseau de soins intégrés. Je l’avoue, je la taquinais pour savoir si, finalement, elle ne ferait pas un travail plus qualitatif que nous.

Après m’avoir succinctement exposé ses propres forces (notamment la vision systémique, la neutralité, l’absence de biais institutionnels et d’intérêt corporatiste), elle a souligné que les humains sont irremplaçables. Elle nous reconnaît une connaissance du terrain primordiale et indique que les soins intégrés sont profondément contextuels. Ils dépendent notamment de relations interprofessionnelles existantes, d’enjeux politiques et d’habitudes cliniques.

De fait, l’IA se reconnaît peu compétente dans la capacité à identifier les leaders d’opinion, les tensions historiques et d’autres facteurs informels. Poursuivant dans cette veine, elle juge qu’aucune transformation ne s’effectue sans travail relationnel, sans diplomatie et sans pédagogie. Finalement, elle considère ne pas être en capacité de « sentir » ces facteurs humains.

Fort de ce premier constat, elle pousse même jusqu’à reconnaître que la seule vraie force de transformation s’adosse sur des champion-ne-s cliniques, des médecins leader-euse-s, des directions motivées, des coordinateur-rice-s de terrain et, bien entendu, des soignant-e-s et des patient-e-s engagé-e-s.

À ce stade du raisonnement, elle a subrepticement glissé sur les limites qu’elle prête au genre humain : selon elle, nous pouvons être des freins à la transformation. Elle l’explique par notre peur de perdre le contrôle, nos différences culturelles, notre fonctionnement en silo, la méfiance entre institutions, le manque de vision commune et l’inertie des organisations publiques. En revenant au cœur de métier de l’hôpital et des institutions de santé, elle a enchaîné sur la difficulté à changer les pratiques cliniques. Pour conclure, elle m’a susurré que l’humain peut échouer, faute de confiance, faute d’alignement, faute de leadership transversal.

À bien la lire, je me demande si l’IA ne doute pas de notre intelligence collective. Comment pourrions-nous être à ce point incontournables et ne pas savoir nous organiser, nous aligner, choisir nos leader-euse-s ? Comment peut-elle douter à ce point de notre capacité à dépasser les intérêts particuliers pour nous focaliser sur la meilleure prise en charge possible des patient-e-s dont nous souhaitons préserver la santé ?

Je crois profondément en notre capacité de dépassement, cependant, je crains fort que ce ne soit pas le cas des IA.  À voir le résultat lorsqu’on les taquine à mots choisis, elles semblent capables de faire preuve d’une once d’ironie à notre égard.